ARTICLE - Auteur : Karine Goust
EXIL, EXPATRIATIONS et IMMIGRATIONS. Dimensions
Psychologiques.
Laisser sa patrie pour longtemps ou pour toujours, s’établir dans un pays ou une région de son pays différente de celle où l’on est né, c’est ce qu’ont en commun les expatriés, les immigrés. Mais
chaque expatriation, immigration est aussi sous-tendue par des motivations et s’inscrit dans un itinéraire personnel.
Parmi ces expériences, on distingue :
-les immigrations involontaires (exilés, réfugiés politiques, populations déplacées…) ;
-les immigrés volontaires pour motifs économiques, qu’ils soient en recherche d’opportunités économiques que leur propre pays ne peuvent leur offrir ou qu’ils
appartiennent à la catégorie communément appelée des « expatriés » qui ont accepté une proposition de travail à l’étranger - plus ou moins temporaire - de la part d’une entreprise/institution
internationale ;
-immigrés volontaires pour d’autres motifs parmi lesquels ceux qui veulent faire une expérience occasionnelle à l’étranger pour des raisons d’études, ceux qui par aspirations
personnelles veulent s’ouvrir à une expérience de vie à l’étranger dans laquelle ils entrevoient une opportunité de croissance personnelle et d’ouverture, et ceux qui suivent un sentiment
amoureux et rejoignent leur compagnon dans le pays où il vit.
Cette dernière catégorie d’immigrés volontaires est encouragée par une culture de la mobilité promue par l'Union européenne, la mondialisation des moyens de transport et de communication, et une
époque dans laquelle les sociétés post-industrielles consentent de poser comme priorité les aspirations personnelles, valorisant fortement les capacités d’adaptation et d’autonomie de
l’individu.
Parfois, ces valeurs et ces compétences sont tellement idéalisées par nos sociétés que l’expérience même de l’immigration est banalisée et laisse un sentiment d’inadéquation encore plus fort,
pour qui, lors de la confrontation avec le réel, se retrouve en proie à des dynamiques psychologiques intenses parfois sources de malaise et de souffrance, bien au-delà du dépaysement exotique
recherché.
LES DIMENSIONS PSYCHOLOGIQUES
Parmi ces diverses expériences migratoires certaines imposent plus que d’autres un remaniement des propres références culturelles, sociales et identitaires.
L’acquisition du multiculturalisme se réalise à différents niveaux d’intensité, de rapidité et de complexité en fonction des situations provocant de nouvelles possibles dynamiques
psychologiques.
Une telle expérience offre assurément des enrichissements identitaires et un élargissement des frontières du Soi, mais peut aussi exposer à des expériences dépersonnalisantes, à des sentiments
d’étrangeté, et des vécus de clivages et de souffrances générées par la distance et les pertes.
En fonction des histoires individuelles les conflictualités intrapsychiques peuvent être de diverses nature et plus ou moins aiguë et persistantes.
Certaines se résolvent, d’autres coexistent en partie avec des processus d’intégration du Soi multiculturel, source d’équilibre et de flexibilité.
Dans d’autres cas, la souffrance est telle qu’elle peut conduire à une symptomatologie psychique ou psychosomatique (ruminations anxieuses, troubles du sommeil, recours à
des substances psychotropes ou à l’alcool ….) ou à un renoncement brutal du projet à l’étranger et à un rapatriement
Quand l’expérience d’expatriation est source de stress et de mise en discussion elle peut aussi contribuer à raviver des blessures ou des conflits plus anciens, submergeant la personne d’émotions
qui la dépassent.
Dans tous ces cas, si l’équilibre n’est pas atteint dans des temps raisonnables, il est important de pouvoir se confier à un thérapeute qui connaît bien ce type de difficultés, pour mettre en
mots le vécu douloureux, donner un sens à ce qui arrive et accéder à un meilleur bien être au quotidien.
Être résident dans un pays d’accueil de façon permanente, n’exclut pas un retour périodique des interrogations sur le choix effectué parfois, il y a de nombreuses années. Certains équilibres
atteints peuvent être secoués dans le temps et par les événements de la vie : la naissance d’un enfant dans le pays d’accueil, une séparation qui remet tout en discussion, un décès dans le pays
natal….
Déployer ces nouvelles équations dans un espace d’écoute psychologique peut porter à une meilleure clarté et aidé à atteindre de nouveaux équilibres et de nouvelles décisions.
La famille peut être aussi incluse dans le projet d’immigration.
Chaque membre du groupe peut vivre des bouleversements et des changements qui ont un impact sur toute l’entité familiale. Face à la nouveauté, les liens d’une famille qui va bien peuvent se
resserrer, alors que ceux d’une famille déjà vulnérable peuvent se rompre.
La situation exige une attention renforcée envers les vécus émotifs du /de la compagnon/e et des propres enfants pour consentir d’élaborer les séparations, les pertes et les ajustements aux
nouveaux contextes. Créer un cadre rassurant qui fournit une base sécurisante, donne la force et la confiance nécessaire pour consentir de s’exposer à de nouvelles explorations en terrain inconnu
et pour affronter certaines perceptions de régression sociale dues à la position d’étranger/novice dans le pays d’accueil.
LE MULTICULTURALISME E LE MULTILINGUISME
Souvent, le multiculturalisme n’est pas dissociable du multilinguisme.
L’appellation multilingue comprend les bilingues précoces simultanés (qui ont appris simultanément diverses langues dans l’enfance au moment de l’acquisition du langage),
les bilingues précoces consécutifs (qui ont acquis une nouvelle langue entre zéro et six ans et successivement à la langue maternelle première à laquelle il se réfère pour
apprendre la seconde) et les bilingues tardifs (ceux qui apprennent une langue étrangère après six ans).
Généralement les bilinguismes tardifs et précoces consécutifs concerne les personnes immigrés de première génération et leurs enfants. Les bilinguismes précoces simultanés correspondent
majoritairement à la seconde génération issue de l’immigration, les enfants nés dans le pays d’accueil des deux parents ou d’un des deux parents.
Dans les deux cas, les paroles de l’une ou l’autre langue ont une diverse “histoire intérieure”.
L’acquisition, le rejet, l’incorporation ou la négation d’une langue spécifique avec la culture qui lui est associée seront fortement influencés par les relations interpersonnelles et émotives
vécues par l’individu dans de tels contextes.
La consultation psychologique individuelle et familiale, ou un parcours thérapeutique peuvent permettre d'identifier et résoudre les difficultés psychoaffectives,cognitives et
identitaires générées par ces différents contextes et parcours.
Karine Goust